Gestes précis, minutieusement réglés… Aucun thé ne ressemble à un autre, chaque théière portant
l’empreinte d’un savoir-faire personnel...
Préparer un bon thé requiert de bien choisir son eau, son sucre, son thé et
sa présentation. Comme tout rituel, le cérémonial du thé s’accompagne en effet d’une profusion de parfums, d’argenteries, de broderies et d’ornements. Il suppose de tenir prêts des gâteaux sophistiqués au miel ou à l’amande, des objets orientaux, des
broderies traditionnelles raffinées.
Le choix de l’eau est presque aussi important que la sélection du thé. L’eau du robinet peut faire perdre au thé une grande part de sa saveur. Privilégiez chaque fois que possible une eau filtrée ou faiblement minéralisée, pauvre en sodium (sel) et en calcaire.
Avec ou sans sucre, votre thé garde toute sa saveur. Au Maroc, sucre et thé sont indissociables : dans certaines régions, l’expression “boire un verre de sucre” désigne d’ailleurs la dégustation du thé. Pour un thé purement traditionnel, beaucoup de Marocains utilisent le pain de sucre, véritable symbole culturel.
Les deux types de thé vert les plus répandus au Maroc sont le Gunpowder (thé en grains) et le Chun Mee (thé en filaments). On juge le thé par de multiples critères: l’aspect du grain (couleur, brillance, propreté), le goût, l’odeur, la mousse et la coloration du thé infusé. Quel que soit le type utilisé, l’usage du thé obéit toujours aux règles ancestrales d’hygiène: bien le laver à l’eau bouillante avant d’ajouter le sucre et la menthe.
La menthe, contrairement aux idées reçues, n’est pas systématiquement utilisé dans le thé marocain. Selon la région et la période de l’année, de nombreuses herbes aromatiques sont utilisées pour leurs facultés antiseptiques, antispasmodiques, hypoglycémiantes et stimulantes.
Pour le thé marocain, plaisir gustatif et plaisir esthétique sont liés: le choix du service à thé sera fonction de l’élégance de la forme de la théière et de la beauté des motifs des verres. Ainsi, si les populations citadines et plus particulièrement les familles aisées d’entre elles se sont appropriées une vaisselle fournie, évolutive et caractéristique à l’usage du thé, les populations rurales en sont restées aux mêmes ustensiles en cuivre, pratiques et austères, utilisés depuis des générations.
La dégustation est un art dans lequel l’accessoire a tout du principal. Bouilloire, samovar, brûle-parfum (Mbakhra), lance-parfum, « Allaka » pour présenter les gâteaux et lave-main, aussi bien en argent qu’en métal argenté, cuivre, étain, métal doré, aluminium et même parfois or…Tous ces accessoires et leur plateau de présentation constituent les « Siniya » issues notamment de l’artisanat traditionnel et quasi indispensables au véritable cérémonial du thé.
Récipient ventru généralement en métal, muni d’une ouverture à couvercle, d’un bec verseur et d’une anse pour la saisir, la théière s’est distinguée à l’origine par la stabilité de son dispositif. Au Maroc, la théière se nomme « berrad », littéralement « refroidisseur », terme provenant vraisemblablement du rôle central joué par la théière dans le cérémonial de préparation du thé où elle sert à recueillir l’eau bouillante, à infuser le thé à la menthe et à le maintenir – paradoxalement – au chaud durant la cérémonie.
Au Maroc, le thé se boit brûlant dans un verre de taille moyenne,
souvent
décoré, tenu entre le pouce et l’index, placés entre le bas du verre et le haut en
général
marqué par un liseré doré.
Le verre à thé peut être en cristal de roche taillé et estampillé, dans les milieux
aisés,
en cristal industriel en en verre de couleur « dorée », « argentée », « décorée » d’arabesques et de
motifs
souvent orientaux agréables à l’œil, ou tout simplement « ordinaires » – les verres appelés
« hayati » sont les plus communs.
Figure emblématique du thé à la russe, le samovar constitue une véritable « machine à thé automatique ». Il se compose d’un récipient central formant le corps principal, muni d’un robinet émergent dans sa partie basse. Il comporte dans sa partie inférieure un foyer, réceptacle destiné à recevoir les braises de charbon de bois. Ce foyer est surmonté d’un cylindre évidé en son centre, de sorte que l’eau qu’il renferme est chauffée par les braises. L’air chaud qui monte de cette cheminée centrale réchauffe également la théière placée sur ce tube cheminée, et qui contient l’extrait de thé. Le robinet placé sur la paroi extérieure de cette bouilloire permet de tirer l’eau chaude aisément. Au Maroc, le samovar «(« babbor »), détourné de sa fonction d’origine, sert notamment comme objet d’apparat et de valeur.
Le cérémonial du thé appartient au patrimoine culturel du Maroc, et permet d’accéder à l’intérieur marocain, aux formes de l’hospitalité et de l’accueil typiques du pays. Il s’agit d’un ordonnancement précis de gestes, de fonctions et d’étiquettes dans un espace déterminé. Tout d’abord, qui se charge de la préparation de la boisson? Généralement le maître de maison ou un homme spécifiquement désigné pour cette mission délicate. Une personne d’autorité, chef, père, doyen, qui, par son engagement et ses responsabilités, met à disposition de son hôte les fruits de son action. Honneur, confiance et épreuve, le préposé sera jugé selon qu’il réussira ou échouera dans cette tâche vécue comme une épreuve. Toutefois, aucun thé ne ressemble à un autre, la boisson porte toujours l’empreinte d’un savoir-faire personnalisé, considéré comme une véritable vocation et un don de Dieu.
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Devant le préposé au thé, on dispose un corps d’ustensiles adéquats. Deux plateaux de dimensions légèrement différentes: le plus grand est réservé aux théières et aux verres, l’autre étant destiné aux boîtes contenant les différents ingrédients. A côté, le brasero qui sert à faire le feu et bouillir l’eau. Ainsi commence une succession d’opérations et de manipulations.
L’ordonnancement des phases de préparation du thé répond à un ordre immuable: on prendra soin d’abord de laver les grains de thé, d’où la couleur sombre de l’eau de rinçage, pour ajouter ensuite les branches de menthe préalablement rincées à l’eau froide. On couvrira enfin par les morceaux de sucre en pain grossièrement morcelés.
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